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Il y a deux
chemins

la fin
du monde

ou le
début

du
prochain

Vous devez choisir

Deux Chemins

La fin du monde

Chemin A

C'est terminé
Courbez la tête

et

faites défiler
l'apocalypse sur
votre téléphone

Voyez la Silicon Valley remplacer tout par des robots. De nouveaux cultes de mort fondamentalistes qui font passer ISIS pour un jeu d'enfant. Alors que les autorités sortent une appli de géolocalisation qui permet de dénoncer en temps réel les immigrants et les dissidents politiques, des méta-fascistes socio-financent les prochains camps de concentration. Les services gouvernementaux tombent en faillite. Les politiciens adoptent des mesures toujours plus draconiennes et la gauche continue de japper sans mordre.

Tout ça alors que les glaciers fondent, les feux de forêt font rage, et encore une autre ville est noyée par l'ouragan je-ne-sais-quoi. Des maladies du passé refont surface avec le dégel du permafrost. Le travail n’en finit plus et les riches profitent des ruines. Au final, sachant que nous n'avons rien fait, nous périssons et prenons place dans la même tombe que le reste de la vie sur terre.

Le début du prochain

Chemin B

Inspirez

et

préparez-vous pour
un monde nouveau

Une multiplicité de gens, d'espaces, d'infrastructures posent les fondations de puissants territoires autonomes. Tout pour tout le monde. La terre est restituée à l'usage commun. On cracke et on libère la technologie – tout redevient utile, tout devient une arme. Des chaînes d'approvisionnement autonomes brisent l'emprise de l'économie. Des réseaux maillés fournissent une communication en temps réel qui connecte ceux et celles qui sentent qu'une vie différente doit être construite.

Alors que les gouvernements tombent en ruine, les territoires autonomes fleurissent, portés par le sentiment qu’il faut se lier à cette terre et à la vie qui y existe pour être libres. Les ressources des enclaves techno-féodales sont pillées. Nous confrontons les forces déclinantes de la contre-révolution avec cette seule option: l’utopie ou l’enfer?

Les deux réponses nous satisfont.

Finalement, nous atteignons le seuil – nous pouvons sentir le danger de la liberté, l'étreinte de la vie en commun, le miraculeux et l'inconnu – et alors, nous savons: voilà la vie.

Notre époque

Notre époque est tumultueuse. Et regorge de potentiel.

Effervescence, polarisation, la faillite de la politique autant que de la finance – et pourtant, sous la crise, il y a le possible. L’époque nous force à considérer chacun d'entre nous comme un noyau de potentialité, et à voir comment les individus peuvent suivre leurs penchants les plus fous et se réunir avec ceux qui entendent l'appel. Certains apprennent des savoir-faire perdus, tandis que des guerriers ramènent le feu dans ce monde. Des fermiers et des jardins expérimentent avec l'agriculture biologique pendant que des créateurs et des hackers reconfigurent des machines. Des mannequins échappent au faisceau vide des projecteurs et partagent un repas avec des militants kurdes et des vétérans qui ont pris position pour une vie en commun.

Ceux qui n'ont rien à foutre de la politique se retrouvent à table pour diner au Parc Zuccotti, à la place Tahrir, et la barrista qui arrive à peine à se nourrir seule apprend à cuisiner pour un millier de personnes. Durant l'occupation d'un aéroport, un soudeur retraité et une designer web apprennent qu'ils sont voisins et s'engagent à lire L'art de la guerre ensemble. Une star Instagram normalement confinée dans son appartement par l'anxiété rencontre à Ferguson un aîné marqué par les combats, ils y sont baptisés dans les gaz lacrymogènes et la puissance collective, et ils commencent alors à sentir leur âme soulagée du poids qui leur pesait.

Partout, des gens qui vivent dans le plus profond isolement se soulèvent et inventent de nouvelles manières de vivre. Mais quand ces semences poussent et émergent à la surface, elles sont écrasés par la frénésie de la banalité et de la peur. Les ouvertures sont refermées par la force des policiers anti-émeutes, des agences de sécurité privée, et des firmes de relations publiques. Ou pire encore, par des individus isolés – de droite et de gauche – qui n'ont rien de plus à gagner qu'un minable like sur Twitter. Tout cela, alors que des politiciens et des PDGs prétentieux continuent à exister en paix. Le caractère révolutionnaire de notre époque est indéniable, mais ils nous faut encore franchir la barrière qui se dresse entre nous et la liberté.

Nous venons d'un endroit brisé, mais nous tenons debout.

Le nihilisme de notre époque est topologique. Tout tient sans fondement. Nous cherchons le pouvoir organisationnel pour réparer le monde, et ne trouvons encore que des institutions lourdes de faiblesse et de cynisme. Les activistes pleins de bonne volonté sont digérés par le corps mou de la politique classique, et il n’en reste que des militants déprimés et des petits politiciens. Celles qui s'expriment contre les abus finissent par n’être témoins que de pitoyables jeux de pouvoir sur les médias sociaux. Les mouvements font éruption, puis ils implosent, dévorés par des parasites internes.

La montée des eaux rend les villes invivables et les gouvernements se démènent à garder leur légitimité. Chaque désastre se fait sentir de manière de plus en plus intime, que ce soit ceux qu'on fait défiler sur nos écrans ou qu'on nous annonce dans le texto redouté : as-tu vu? Les accidents sont ressentis comme des massacres. Les noms des morts deviennent l'index d'une civlisation en déclin. Nous perdons famille et ami·es aux dépendances, à la pauvreté et au désespoir. Nous voyons la police exercer librement son pouvoir d’assassiner, désemparé·es et ne sachant comment étancher notre rage. À travers tout ça, nous nous soutenons, et restons debout. Nous sentons que le présent nous a été volé, nous imaginons le futur qu’on nous prépare. Personne ne viendra nous sauver. Il n'en tient qu'à nous de poser la terre fertile qui saura accueillir une révolution.

Nous pouvons provoquer des ruptures irréversibles

On se réveille jour après jour, génération après génération, et on se rend au travail pour recalibrer ce même cauchemar qui nous force à travailler. On s'efforce de joindre les deux bouts, on stresse avec les déplacements au travail et les nuits d'insomnie, on vit de chèque en chèque, de contrat en contrat, juste pour arriver à chauffer nos appartements. Notre travail a construit ce monde et le fait fonctionner, mais personne d'entre nous ne s'y sent chez soi. On ne s’étonne même plus qu'autant de gens jettent leur dévolu sur la première promesse d'une meilleure vie venue – mouvements sociaux, tendances santé, sous-cultures, milis, gangs, peu importe.

Nous voulons vivre avec dignité. Nous voulons avoir la liberté d'expérimenter avec nos mains calleuses, d’être bien plus que nos boulots. La force potentielle de notre époque est le signe que nous sommes capables de bien plus que de survivre. Notre labeur – notre force, notre créativité et notre intelligence – , nous pourrions en faire une arme. Notre endurance coïncide avec notre force de frappe et le charme de notre puissance partagée. Notre grève sera une pratique immédiate de transformation des manières de vivre, sans égard à nos patrons, aux riches ou aux robots qui veulent nous remplacer. Ensemble, nous avons les savoir-faire et la volonté pour construire une vie meilleure, une vie sur nos propres termes, et il n'en tient qu'à nous de créer et d'habiter de nouveaux mondes qui remplaceront celui-ci. Notre ingéniosité, notre passion,ore déermination – nous sommes la charnière sur laquelle repose chaque avenir.

Il ne manque rien. Regardez autour de vous. Donnez-y forme.

Morceau par morceau, nous jetons les bases d'une force révolutionnaire. Nous construisons une vie en commun, nous combattons la pauvreté matérielle et spirituelle que l'époque nous impose, et nous disposons à l’expérimentation immédiate d'autres modes de vie. Notre objectif consiste à établir des territoires autonomes – assurer l'expansion des zones ingouvernables qui courent d'un océan à l'autre. Les lignes de fracture traversant l'Amérique du Nord sont notre salut. Ces territoires autonomes ouvriront de nouvelles avenues pour faire voyager les gens et les ressources, ce seront de précieux points de repère rebelles lors des crises écologiques, et le terrain à partir duquel récupérer les techniques et les technologies dont nous avons été dépossédés.

Nous envisageons notre tâche avec sérénité et sévérité. Nous voulons des territoires avec des infrastructures flexibles en temps de catastrophe, nées d'une joie collective, habitées par des êtres qui vivent avec dignité et courage. Notre temps n’est plus celui du passé – et nous ne voulons en aucun cas être rattrapé·es par une nostalgie aussi radicale que sénile. Nous n'avons certes pas toutes les réponses, mais nous offrons en partage ce que nous savons être vrai.

Il est maintenant temps de quitter ce mode de vie insupportable.

Instructions

1 Se trouver

Nous avons été élevées dans une culture d'isolement et de défaite, où notre potentiel se voit réduit aux exigences de l'économie. Ensevelies sous notre angoisse personnelle, nos factures et nos craintes, nous sommes forcées à ne nous soucier que de nous-mêmes. Mais nous sommes capables de vivre autrement.

Pour commencer, éliminer l'isolement. Arrêter de déconner. Se tourner vers nos proches et leur dire que nous voulons vivre ensemble. Se demander à quoi pourrait ressembler le fait de faire face au monde ensemble. De quoi dispose-ton? De quoi a-t-on besoin? Faire un inventaire collectif de nos savoir-faire, nos capacités et nos liens. Prendre les décisions qui feront croître notre force. Jeter les bases d'une vie en commun.

Imaginez une vie qui franchirait les frontières individuelles. Changer la manière dont on se déplace, pour prendre la chance de rencontrer autre chose. Des rencontres passagères qui deviennent des relations profondes. Vous flânez dans votre quartier, et vous vous arrêtez dans les maisons des amies en route vers le café. Vous vous rencontrez le soir au parc pour vous entraîner. Vous rentrez ensemble à la maison. Vous partagez vos voitures. Vous allez faire du camping et apprenez ensemble à allumer un feu. Vous mettez de l'argent en commun en réserve pour les temps durs. L'idée de la propriété privée se brouille. Vous commencez à vous concevoir comme quelque chose de plus décisif qu'un simple groupe d'amies.

2 Créer des hubs

Les hubs sont des points d'agrégat, des centres d'activité. Après s’être trouvées, la prochaine étape consiste à créer un hub. Nous devons avoir des espaces qui nous permettent de s’organiser et de passer du temps ensemble. Les hubs rassemblent les gens, les ressources et un certain esprit, qui sont nécessaires pour poser les fondements d'une vie en commun.

Mettre nos ressources en commun, cibler une région et y ouvrir un hub. Louer un espace dans le quartier. Construire une cabane dans les bois. S’emparer d'un bâtiment abandonné ou d’un terrain vague. Aucun espace n'est trop petit ou trop ambitieux. Commencer avec ce qu’on a sous la main puis le faire proliférer. Faire du hub un point ancrage pour d’autres initiatives.

Une boutique reconvertie accueille des soupers hebdomadaires qui se transforment en sessions de planification. Les profits d'un café autogéré sont mis de côté pour permettre d'ouvrir d'autres espaces, comme un établi de menuiserie où l'on pourra construire plus que des étagères. Dans une forêt à la sortie de la ville, à chaque semaine, on fait des feux et des entraînements d'arts martiaux dans une clairière qui sert de lieu de rencontre. Près de là, une ferme de permaculture s'agrandit lentement pour pouvoir nourrir ceux qui habitent en ville.

3 Devenir résilientes

Nos corps sont un mystère. Notre santé échappe à notre emprise. Si l'électricité était coupée, la plupart d'entre nous serions condamnées à l'obscurité. Nous avons été dépossédées de nos savoir-faire, de nos passions et nos connaissances. Mais nous ne sommes pas fragiles. Quand nous apprenons de nouvelles techniques ou surmontons des défis, nous repoussons les seuils qui déterminent notre sens des possibles. Nous sommes capables de prouesses incroyables et improbables.

Retrouver des savoir-faire, apprendre à les maîtriser et à partager leur puissance. Contacter des gens qui ont des capacités qu’on voudrait voir se répandre chez tout un chacun. Faire de nos hubs des lieux d’expérimentation. Mettre en place ce qui bientôt deviendra normal. Apprendre à chasser, à encoder, à guérir : faire croître notre force collective.

Un ouragan dévaste la ville – le courant est coupé. Le système national d'intervention d'urgence prends son temps. Un groupe établit un hub près d'une zone inondée. Avoir cuisiné ensemble des grands soupers a donné la confiance nécessaire à tout le monde pour opérer à plus grande échelle. Des équipes partent ensemble à la recherche de nourriture dans un environnement où il n'y a plus de loi, et combattent les opportunistes racistes qui s'accrochent à une ère de propriété dorénavant révoquée. Quelqu'un rassemble le matériel médical dans les hôpitaux et les pharmacies alors qu'une autre ouvre les réservoir d'eau des immeubles. Une occupation dans un parc rassemble encore plus de gens et de ressources. Quelqu'un escalade un édifice pour y placer un routeur à énergie cinétique. Le routeur établit une connexion avec un réseau maillé qui appelle au renfort des autres hubs parsemés à travers le territoire.

4 Partager un avenir

Le temps des vies isolées est terminé. Ce que nous avons en partage, c’est la catastrophe et les défis imposés par l’époque. Nous pouvons contester la distribution inégale des ressources médicales, mais le soin ne sera universel et digne que lorsqu’il sera autonome.

Créer des formes collectives de soin. S’organiser en vue des vingt prochaines années. Se demander quels seront nos besoins quand on vieillira, quand on aura des enfants, quand on sera handicapées et qu'on commencera à mourir. Prendre des décisions basées sur nos désirs. Imaginer comment les espaces pourront s'adapter à la nature dynamique de la vie et de la lutte. Répondre aux questions les plus difficiles : comment faire face à la folie, à la dépendance, aux violences interpersonnelles, aux pertes traumatisantes. Se protéger, à tout prix, de l'institutionnalisation.

Un réseau intergénérationnel est formé pour partager tous les aspects de la vie. Les gens réfléchissent ensemble à comment élever des enfants, comment nourrir leur capacités, comment les aider à réagir au monde qui se transforme. On prends soin des aînés collectivement, la dignité de chaque étape de la vie est affirmée puisqu'on se nourrit de leurs expériences. Des collectifs de santé apprennent des méthodes ancestrales pour contrôler les naissances et faire des avortements afin de garantir l'autonomie de choix. Une intelligence émotionnelle partagée aide ceux qui ont besoin de prendre une pause de la lutte et celles qui décident d'y retourner. Des médecins partisans, des herboristes et des chamanes font un pacte et s'engagent à fournir des soins à tout le réseau. Tout le monde se repose avec plus d'aisance, sachant que l'hôpital n'est plus la première option. Les services de l’État sont presque devenus inutiles. Son fardeau historique est progressivement levé grâce à une nouvelle approche de la vie et la mort. Sans les anxiétés et le stress de cette civilisation, les maladies commencent à disparaître. Cette nouvelle capacité à prendre soin devient un réservoir de force pour faire face à l'avenir en commun.

5 Engager la bataille

Notre société insulte celles et ceux qui défendent ce qui est juste. On nous dit que rien ne peut changer, qu’il faut se mêler de ses affaires, et, par-dessus tout, ne pas résister. Cultiver un esprit de lutte nécessite aujourd’hui de suivre une boussole éthique, tout en développant une pensée stratégique et une capacité physique.

Devenir plus forts. Devenir capable de faire usage de la force. Apprendre l'art de la frappe, comment toute chose peut devenir une arme. Apprendre à subvertir la force de l'ennemi – comment un seul coup de poing devenu viral peut ébranler partout l'égo des fascistes, comment peut-on neutraliser collectivement l'ennemi en coupant son système de communication. Qu'est-ce qui se tiendra en travers du chemin d'un nouveau mode de vie? Comment peut-on le surmonter, ensemble? Quelles considérations stratégiques devons-nous cacher aux oreilles ennemies?

Un réseau de clubs de combat relie chaque grande ville. Des membres expérimentés enseignent des techniques de combat et entraînent les corps à gagner en force et en souplesse. Chaque club ouvre un espace et construit des liens avec la communauté locale, particulièrement avec les marginalisées de ce monde. Un chapitre du Midwest se mobilise avec des camionneurs pour résister à l'automatisation. Ensemble, ils paralysent l'autoroute 70 avec l'aide d'une application de géotracking, ils bloquent des camions auto-pilotés et s'emparent de leur marchandise. Ce qui est utile est exproprié et le reste est réduit en cendres. La fumée aveugle les voitures des policiers qui sont déjà perdus au milieu des barricades de fortune. Les cargos relâchent un essaim de mini-drones, qui volent en formation défensive, contrôlés par une application. Les drones sont hackés puis vont infiltrer ceux de la police pour leur transmettre un virus qui fige leurs propulseurs. Ils sont rendus inoffensifs et tombent au sol. En profitant du chaos, les camionneurs et les combattants du club passent à l'offensive et parviennent à s'enfuir.

6 Étendre le réseau

Nous n'avons pas besoin d'une autre organisation qui nous rassemble pour parler de nos problèmes, mais bien de manières d'implanter des pratiques concrètes pour les régler. Nous avons besoin d'un réseau qui amplifie la puissance de chaque projet, qui élargisse le territoire et refuse de laisser le futur aux mains du hasard.

Trouvez-vous sur une large échelle. Cherchez les gens qui s'organisent comme vous. Repérez les intensités naissantes et les formes communales et entrez en contact. Interpellez-les, établissez des communications, visitez-vous et rencontrez-vous. Échangez histoires et stratégies, pour enrichir la mémoire culturelle de notre réseau et son intelligence tactique, et entretenir notre puissance collective. Créez des liens matériels, partagez ou échangez des ressources. Multipliez ces gestes par milliers.

Sur le territoire subverti, des biohackers expérimentent avec des nouvelles techniques, inventent de nouveaux purificateurs d'eau, un groupe de familles autochtones résiste à une compagnie énergétique qui veut s'emparer de leur terre sacrée, et un hub autonome redéfinit son quartier avec une série de fermes urbaines. Des communications régulières entre ces trois projets permettent d'adresser leurs besoins communs. Les techniques de traitement d'eau se répandent, alors que des infrastructures alimentaires autonomes entraînent une abondance de vivres. Le réseau est mobilisé lorsque les familles autochtones demandent du renforcement pour défendre leur terre. Grâce à une coordination logistique encryptée, des milliers de personnes peuvent s'y rendent avec suffisamment des ressources pour soutenir la lutte.

7 Construire l'autonomie

On nous a appris à dépendre des chèques de paye et des magasins pour vivre. Le système capitaliste ne nous laisse qu’un choix : nous soumettre ou mourir de faim. Il n'y a pas moyen d'échapper à cette réalité: l'organisation matérielle du monde est le problème qu’il s’agit de surmonter.

Augmenter la portée des initiatives autonomes. Construire les infrastructures nécessaires pour soustraire les territoires à l'économie. Répondre aux problèmes posés par la puissance matérielle collective : comment se nourrir, s'héberger, se soigner. Utiliser autant le data que le design tout en évitant le piège de croire qu’Internet est là pour nous sauver. Former des collectifs et des coopératives, les amener à atteindre des objectifs stratégiques sans succomber au vide de l'économie. Développer des solutions face aux problèmes de l’énergie, de la distribution, des communications et de la logistique, qui puissent être diffusées et adaptées à d’autres situations.

Un hub local de distribution de nourriture ouvre une épicerie coopérative de l'autre côté de la ville. La ferme agricole voisine qui les fournit a besoin d'agrandir sa capacité. Elle rejoint un réseau biorégional, autant pour partager une réalité que des aliments frais. Un groupe de designers et d'ingénieurs qui détestent leur boulot forment une équipe et créent une application qui coordonne une chaîne d'approvisionnement flexible entre les fermes et les points de distribution. Ces efforts mènent à un corridor d'échanges autonome. Les autorités se retrouvent incapables de faire face à la croissance du réseau et à son mépris des normes, alors que la nourriture et les gens circulent librement dans un esprit de rébellion.

8 Destituer les infrastructures

Nous ne voulons pas seulement améliorer la vie de quelques heureux élus – il s'agit d’un exode de masse hors de ce monde. Cela exige de faire face aux infrastructures qui soutiennent cette civilisation, pour les convertir à notre gré. Certains systèmes devront être démantelés, comme les oléoducs de pétrole et les centrales nucléaires, tandis que d'autres pourront être transformés pour servir l'autonomie.

Détourner l’ancien en vue de l’actuel. Il convient non seulement de trouver des solutions à ce que les infrastructures présentes n’arrivent pas à confronter, mais aussi de réquisitionner les institutions existantes pour en modifier radicalement les usages. Occuper les espaces étouffants – les hôtels de ville, les écoles, les centres d'achat – leur insuffler une nouvelle vie. Anticiper et intensifier les fractures stratégiques. Rediriger les systèmes de communication. Réquisitionner les chaînes d'approvisionnement. Saisir le pouvoir – sans gouverner.

La prolifération de cliniques médicales autonomes gagne en influence sur tous les fronts de la médecine. Les infirmières, les docteurs et les administrations travaillent ensemble pour détourner clandestinement les équipements médicaux vers ces cliniques. Quand le gouvernement coupe son financement des hôpitaux pour vétérans, les cliniques autonomes se lient avec les patients et ceux qui fournissent les soins de santé pour occuper les bureaux des Services aux Anciens combattants à travers le pays. La répression brutale d’une occupation envoie des douzaines de camarades à l’hôpital, mais quand la police tente d'entrer dans les soins intensifs pour arrêter les vétérans blessés, ils sont expulsés par les chirurgiennes et les infirmiers. Les groupes autonomes sont rejoints par les forces qui affluent des occupations et des hôpitaux, et des ressources vitales sont pillées pour l'insurrection en cours.

9 Devenir ingouvernables

La révolution est une ligne tracée dans le présent.

Cela implique de construire l'autonomie ici et maintenant, de rendre superflue autant l'économie que le gouvernement. Sortir de l'état d'être gouvernées exige bien plus que de gagner bataille après bataille, bien plus que de déjouer nos ennemis politiques. Cela reposera sur notre capacité à créer les bases durables d'une vie en commun.

Propager la sécession à tous les aspects de la vie. Faire une grève éternelle, lentement mais sûrement, en ne laissant personne derrière. Refuser d'être gérées, ou de gérer qui que ce soit à son tour. Creuser une brèche au coeur même de la société. Désavouer une vie entière de cynisme et de ressentiment. Croire que tout cela est possible.

Les grèves persistent, le fade fardeau de la dette se désintègre, alors même que le capital financier s'effondre sous l'hostilité grandissante. Les assemblées de quartier décident comment agir en cas d'urgence, des soldats rebelles refusent de tirer sur leurs propres voisins, et le 'crime' se voit relégué à quelques raids en zones gouvernées. Dans les métropoles, chaque jour est une fête de rue. Des repas en plein air dans les rues bondées proclament un temps où la vie économique n’est plus qu’un souvenir, alors qu’on invente de nouveaux usages aux magasins. La nuit, des feux de joie éclairent le ciel et les sages étoiles réapparaissent pour nous protéger. Dans les banlieues, on transforme un Walmart en hub de marchandises et d’organisation. Des camionneurs et des premiers répondants se coordonnent pour apporter de l'aide à un territoire inondé. Dans l'Ouest, des technologues équipent des ballons météo avec des émetteurs-récepteurs pour amplifier l'internet autonome. Le travail, libéré de l'économie, augmente le rendement des fermes autonomes, et les enfants apprennent ce qu’est la loyauté à la terre.

Maintenant

Il n'y a pas d'urgence future à laquelle se préparer.

Nous y sommes déjà – avec tous les détails dystopiques, et tous les moyens de faire la révolution. Les conséquences terribles de notre temps et son potentiel magnifique se déploient de toutes parts. Nous résistons à la fin du monde en faisant proliférer de nouveaux mondes. Nous devenons ingouvernables – nous ne sommes plus redevables à leurs lois sans merci, à leurs infrastructures décrépies, à leur économie abjecte et à leur culture spirituellement nulle.

Nous revendiquons le bonheur avec acharnement—que la vie réside dans notre puissance matérielle, dans notre refus à d’être géré·es, notre rencontre avec toutes les formes de vie qui partagent ces vérités éthiques, notre capacité d’habiter la terre et de nous soigner mutuellement.

Nous vous voulons

Nous avons besoin de combattants, de décideurs, de penseurs— de créativité et d'ingéniosité.

Nous avons besoin de constructeurs, de guérisseurs, d'agriculteurs, de concepteurs et d'ingénieurs.

Nous vous voulons

Nous vous voulons

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Ils nous disent d'attendre pendant que nos vies
nous dépassent, touchant à peine la surface
de ce que nous pourrions être.

Ils nous disent d'être pacifiques pendant
qu'ils déclarent la guerre sur la terre, sur
nos corps, sur la possibilité du bonheur.

Ils nous disent que l'héroïsme est mort,
quand rien n'est plus contesté
par notre siècle.

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